Bartleby

Théatre de Lorient

texte de Herman Melville • mise en scène Rodolphe Dana & Katja Hunsinger • 2020

"Le tiraillement de la conscience qu’éprouve le juriste face à son copiste dont le comportement défie la raison apparente est extrêmement bien traduit corporellement par Rodolphe Dana qui signe une prestation remarquable en elle-même et dans le duo qu’il forme avec Adrien Guiraud aussi étrange qu’effrayant. On est loin de la fable comique qu’identifiait Deleuze, même si certaines des situations cocasses font rire le public. C’est la part sombre du scribe qui ressort bien de l’adaptation et l’interprétation des deux dramaturges. Leur Bartleby réussit la prouesse de faire le lien entre la littérature et les interrogations philosophico-politiques. A la beauté du texte littéraire toujours mise en valeur, notamment grâce à la diction parfaite de Rodolphe Dana, vient s’ajouter sa portée philosophique qui comprend une triple dimension (sociologique, politique et psychologique)."

Un Fauteuil pour l'orchestre

"une mise en scène à première vue approximative dont les irrégularités cachent finalement un bordel organisé… Tous les ingrédients y sont, et portés qui plus est par un binôme de comédiens, dans l’héritage des grands auteurs de ce théâtre-là. Accompagnés d’une ambiance sonore qui appesantit peu à peu le potentiel humoristique – assez justement disséminé – de la pièce, les personnages font aussi écho à des figures emblématiques du théâtre. Elles apparaissent sous forme de spectres, de symboles ou de répliques, dans un ensemble au sein duquel chaque spectateur prend ses propres références."

Snobinart

"Au plateau, Rodolphe Dana et Adrien Guiraud forment d’ailleurs un duo débordant d’humanité, et touchant à bien des égards. Le second avec son attitude dégingandée et sa résistance naïve, qui l’enferme autant qu’elle le libère ; le premier, aux multiples visages, dans sa colère toujours retenue, qui n’arrive pas à expliquer l’attitude de son employé et à s’expliquer les sentiments qu’il a développés à son égard. Un tiraillement, qui, à la manière de la mise en scène, alterne constamment entre le comique et le tragique, l’absurde et l’existentiel, et donne l’impression que le pouvoir et la domination ont, sans le dire, presque au corps défendant des personnages, changé de main."

SceneWeb

"Dégingandé, Adrien Guiraud est un Bartleby extraordinaire. Il en a sa placidité et son étrangeté. Il s’amuse à casser par touche sl’image du clerc de notaire consciencieux, sans histoire. Disons-le, il fait avec finesse et drôlerie le show. Jouant à la perfection l’inertie de son personnage, il pousse Rodolphe Dana à ajuster ses répliques, ses postures. Ce dernier est parfait en patron bienveillant et désabusé, prêt à tout pour se débarrasser de ce récalcitrant subalterne, quitte à « être émasculé dans sa virilité de chef d’entreprise, » quitte à déménager ses locaux plutôt que de devoir appeler la police pour déloger ce locataire encombrant. La complicité entre les deux acteurs saute aux yeux, le bonheur d’être ensemble au plateau, de pouvoir jouer est évidente."

L'Oeil d'Olivier